Explorez les théologies politiques 

Explorez avec nous les théologies, particulièrement les théologies politiques. Cette page est conçue pour les experts comme pour les débutants, offrant un aperçu unique et diversifié des pratiques sociales et politiques des chrétiens, spécialement depuis Vatican II.

Johann Baptist Metz et la vérité dans la perspective d’une théologie pratique

 


Johann Baptist Metz (1928–2019), disciple de Karl Rahner, a profondément marqué la théologie catholique du XXᵉ siècle par la fondation de la « nouvelle théologie politique ». Son œuvre, notamment La foi dans l’histoire et dans la société (Glaube in Geschichte und Gesellschaft, 1977), cherche à sortir la théologie de l’abstraction spéculative et de l’individualisme spirituel pour la replacer au cœur des conflits historiques et sociaux.

Pour Metz, la question de la vérité ne peut pas être pensée indépendamment de l’histoire humaine, marquée par la souffrance, l’injustice et la mémoire d’événements catastrophiques (en particulier Auschwitz, qui constitue pour lui une fracture théologique). La vérité chrétienne ne peut pas se réduire à un dogme intemporel ni à une illumination intérieure : elle est mémoire dangereuse des victimes, critique de l’ordre établi et espérance de justice universelle.

Dans ce cadre, la vérité relève d’une théologie pratique : elle n’est pas seulement affaire de discours, mais engage la praxis historique, sociale et politique des croyants.

Metz commence sa carrière dans un contexte dominé par la néo-scolastique, où la vérité se conçoit comme adéquation intellectuelle entre l’intellect et la réalité (adaequatio rei et intellectus).

Il reconnaît la fécondité de la théologie transcendantale de Karl Rahner, centrée sur l’ouverture de l’homme à Dieu dans son expérience fondamentale. Mais il estime que cette approche reste trop individualiste, trop subjective : elle ne prend pas suffisamment en compte la dimension historique et sociale de la foi.

Metz veut replacer la théologie dans le cadre des expériences collectives et historiques. La vérité chrétienne ne peut être saisie uniquement dans la conscience individuelle : elle se déploie dans une histoire traversée par les catastrophes, les injustices et les luttes.

La théologie doit donc être pratique, au sens où elle éclaire et oriente l’action des chrétiens dans la société.

Pour Metz, la vérité chrétienne se fonde sur la mémoire de Jésus, de sa passion et de sa résurrection.

Le christianisme n’est pas d’abord un système de doctrines, mais une mémoire fondatrice. Cette mémoire n’est pas neutre : elle est « dangereuse », car elle perturbe l’ordre établi et refuse l’oubli des victimes. Dans les sociétés modernes, il existe une tendance à l’oubli, à la rationalisation ou à l’occultation des souffrances passées.

La vérité chrétienne s’y oppose radicalement : elle garde la mémoire des crucifiés de l’histoire. Cette mémoire est critique : elle empêche de se réconcilier trop vite avec l’ordre social ou de sacraliser le progrès.

Metz reproche à certaines formes de christianisme d’avoir servi d’idéologie de légitimation pour l’ordre social et politique. La vérité chrétienne, au contraire, est interruption : elle vient briser les consensus, questionner les certitudes, rappeler ce qui dérange.

Inspirée par Walter Benjamin et l’école de Francfort, cette notion décrit l’irruption d’un « autre » dans le cours ordinaire de l’histoire. La vérité chrétienne interrompt l’oubli et le conformisme : elle rappelle la mémoire des victimes et ouvre la société à une critique radicale.

En ce sens, la vérité chrétienne est prophétique : elle dénonce les idoles, les structures d’oppression, et annonce un avenir différent. Elle n’est pas possession stable, mais événement critique, qui met en question aussi bien l’Église que la société.

La vérité chrétienne ne se réduit pas au passé : elle est aussi ouverture vers l’avenir. Elle est espérance eschatologique, promesse d’un Royaume de justice et de réconciliation.

Metz critique les idéologies modernes du progrès, qui prétendent réaliser par elles-mêmes la justice universelle.L’espérance chrétienne est différente : elle ne se confond pas avec une utopie immanente, mais garde ouverte la transcendance de la promesse divine.

Toutefois, l’espérance n’est pas fuite hors du monde. Elle appelle à une praxis de transformation sociale, à la lutte pour la dignité humaine et la justice. La vérité se situe dans cette tension entre mémoire et espérance, entre la mémoire des victimes et l’anticipation d’un avenir nouveau.

Metz refuse la privatisation de la foi. La vérité chrétienne a une portée publique : elle concerne la société tout entière, pas seulement la sphère intime. La vérité chrétienne se manifeste dans une praxis de solidarité avec les pauvres, les exclus, les opprimés. Elle ne peut pas être dissociée de l’engagement pour la justice sociale.

Pour Metz, les croyants portent la responsabilité de témoigner publiquement de cette vérité. La théologie pratique ne vise pas seulement la compréhension, mais aussi l’action transformatrice.

Metz reconnaît les acquis des Lumières (droits de l’homme, critique de l’autorité), mais les confronte à la mémoire des victimes.

La vérité chrétienne n’est pas une vérité concurrente mais une vérité dialogique, ouverte à la discussion publique. La sécularisation a relégué la foi à la sphère privée. Metz s’y oppose : la vérité chrétienne est pertinente pour l’ensemble de la société.

Elle ne doit pas se contenter d’une niche spirituelle, mais assumer une dimension critique et publique. La vérité ne s’exprime pas seulement en concepts, mais dans une compassion active. La théologie pratique se définit comme mémoire de compassion, solidarité et lutte pour la dignité.

Pour Johann Baptist Metz, la vérité chrétienne n’est ni une simple correspondance conceptuelle ni une expérience privée. Elle est mémoire dangereuse des victimes, interruption critique des idéologies et espérance eschatologique.

Dans une théologie pratique, la vérité s’exprime par une praxis de solidarité et de responsabilité publique. Elle est inséparable de l’histoire humaine, marquée par Auschwitz et par les luttes pour la justice.

En ce sens, Metz réinvente le rapport entre vérité, foi et société : la vérité chrétienne ne se contemple pas de loin, elle s’incarne dans la mémoire et l’action, elle interpelle l’ordre établi, et elle ouvre l’histoire à une promesse de réconciliation universelle.

Pratiques sociales et politiques des chrétiens: théologies de la libération

Diversité théologique : Vatican II et au-delà

La grande diversité des théologies, surtout depuis Vatican II, est une source de fascination. Nous explorerons ensemble cette richesse et complexité.

Explorez davantage

Intéressé par la théologie et son impact sur le monde ? Découvrez d'autres articles de notre blog pour approfondir votre compréhension et explorer différents points de vue.