Un nouveau blog sur la vérité et la post-vérité en démocratie

Publié le 26 août 2025 à 12:38

Les analyses publiées dans notre blog  empruntent principalement aux méthodes et disciplines de la science politique, de la sociologie de la religion et de la philosophie politique. En ce sens, sa visée consiste à rejoindre toute personne qui désire s’y intéresser de façon critique et rationnelle, dans un esprit séculier en recourant à un mode de pensée empruntant aux méthodes des sciences sociales et de la philosophie.

Dans ce blog, nous chercherons à comprendre la post-vérité comme syndrome complexe lié à de multiples facteurs de causalité dans les démocraties matures. Nous allons nous attarder aux causes et manifestations de la crise de la vérité dans les démocraties contemporaines, avec une insistance sur les conséquences de l’ère numérique pour le débat démocratique, l’érosion de la confiance envers les institutions, les responsables politiques, les experts, la science et les médias.

Ce blog s'intéresse à une question fondamentale, presque un défi: peut-on aborder à la fois la vérité et la politique dans un même discours sans les opposer de façon irrémédiable? Ces deux notions sont souvent perçues comme fondamentalement antinomiques. Cependant, après avoir complété nos recherches, nous ne croyons pas à une incompatibilité intrinsèque entre elles, même si l'expérience semble souvent contredire cette conclusion. Malgré une perception répandue, [1] notre analyse suggère que ces deux réalités ne sont pas inconciliables et qu’elles peuvent cohabiter, au moins en théorie.

Un corpus de travaux d’auteurs anciens et contemporains, incluant un ensemble d’ouvrages récents portant sur le double thème de vérité et post-vérité en démocratie [2], va majoritairement dans le même sens : oui, la vérité et la politique sont conciliables, du moins à certaines conditions. En effet, la conciliation entre ces deux réalités n'est jamais parfaite et il existe des conditions participatives et institutionnelles qui sont susceptibles de favoriser un rapprochement entre la vérité et la politique en démocratie.

Des institutions et une pratique qui encouragent la transparence de l'action politique et tiennent les acteurs responsables de leurs paroles et de leurs actes sont essentielles dans un régime démocratique qui favorise la vérité dans sa gouvernance et dans la participation citoyenne. [3] Cela inclut une presse libre et indépendante, des mécanismes de contrôle démocratique efficaces, une confiance suffisante dans les institutions et une justice impartiale et indépendante.

S’il est vrai que la vérité et la politique ne sont pas foncièrement incompatibles, on peut toutefois affirmer que leur conciliation constitue un processus dynamique et exigeant. Elle repose sur un ensemble de conditions culturelles, institutionnelles et éthiques qui doivent être constamment cultivées et défendues. Un régime qui s'éloigne trop de la norme de vérité risque de perdre la confiance des citoyens, de fragiliser les institutions démocratiques et, à terme, de compromettre sa propre efficacité. La recherche d'une plus grande congruence entre la vérité et la politique est donc un défi et un impératif démocratique constants.

Notre investigation nous a démontré, au contraire, que c'est plutôt le déclin de la valeur de vérité qui est incompatible avec une vie démocratique saine, comme nous sommes déjà à même de le constater dans un certain nombre de pays, véritables laboratoires sociaux de ce que l’on peut qualifier de maladie politique contemporaine. Oui, la vérité est bel et bien en crise dans un certain nombre de ces sociétés. S'il y a antagonisme, c'est plutôt entre le statut précaire de la vérité et un régime démocratique en bonne santé, du moins si l'on en croit Michael Patrick Lynch dans son ouvrage récent On Truth in Politics, Why Democracy Demands it, [4] qui soutient que la vérité n'est pas seulement un élément souhaitable, mais une condition sine qua non du maintien d’une démocratie fonctionnelle. Sa thèse centrale est que la démocratie repose, fondamentalement, sur l'information des citoyens et leur capacité à prendre des décisions fondées sur la raison et sur les faits, ce qui est impossible dans un environnement saturé de mensonges et de mépris de la vérité.

 

Notes

[1] Pour beaucoup, la vérité, tendant vers l'objectivité et l'universalité, contraste fortement avec la politique, souvent subjective, influencée par des valeurs, des intérêts et des rapports de force, où l'efficacité et le consensus peuvent parfois primer sur le respect strict de la vérité.

[2] Voici un aperçu de ce corpus récent :

Farkas, J. e. S., Jannick. (2024). Post-truth, fake news and democracy, Routledge.

Lynch, M. P. (2025). On truth in politics, why democracy demands it, Princeton University Press.

McIntyre, L. (2018). Post-truth, The MIT Press.

McIntyre, L. (2023). On disinformation ,The MIT Press.

Origgi, G. (2024). La vérité est une question politique, Albin Michel.

Roozenbeek, Jon et Van der Linden, Sander. (2024). The psychology of misinformation, Cambridge.

Rosenfeld, S. (2019). Democracy and truth, A short history, University of Pennsylvania Press.

Zerilli, L. M. G. (2025). A democratic theory of truth, The University of Chicago Press.

[3] Archon Fung et Erik Olin Wright sont des chercheurs ayant étudié la démocratie participative et délibérative. Leur travail met en lumière comment des institutions transparentes et des mécanismes de responsabilité peuvent renforcer la légitimité démocratique et améliorer la gouvernance. Le livre dont ils ont dirigé la rédaction, "Deepening Democracy: Institutional Innovations in Empowered Participatory Governance" (pp. 3-8), offre des études de cas, des analyses de modèles de gouvernance participative qui exigent une grande transparence et des mécanismes de responsabilité clairs.

[4] Michael Patrick Lynch, (2025), On Truth in Politics, Why Democracy Demands it, Princeton University Press, Princeton, 2025, Voir en particulier le chapitre 3, pp. 58-97.