Ce site se veut un lieu de réflexion et de partage d'informations visant à renforcer la norme de vérité en démocratie. En plus d'une information approfondie et rigoureuse, vous y trouverez des idées d'engagement et d'action visant à contribuer à une société plus juste et respectueuse de la valeur de vérité.

Dans ce blog, nous allons nous intéresser aux solutions innovantes à développer pour renforcer l’exercice de la démocratie dans une perspective de rehaussement de la vérité et des pratiques qui en découlent. Il est vrai que cette problématique a des causes profondes et complexes et qu’il n’y a pas de solutions simples et univoques à cette situation préoccupante. La post-vérité est conceptualisée comme un syndrome complexe aux multiples facettes. Mais des pistes de solution sont quand même envisageables, comme nous le verrons à ce moment. [1]
Elles comprennent notamment l’amélioration des capacités citoyennes individuelles par une éducation à l’esprit critique et à la littératie médiatique ; la réforme de l’environnement informationnel par une régulation des plateformes numériques visant la transparence et la responsabilité ; le renforcement de la confiance dans les institutions de gouvernance, incluant la science et l’expertise ; le soutien d’un journalisme indépendant et de qualité ; proposer si nécessaire des réformes institutionnelles, tant pour élargir la participation citoyenne que pour renforcer l’efficacité et la légitimité de l’action gouvernementale et de sa gouvernance dans un cadre démocratique.
La perte de notre monde commun et de faits partagés
Au plan philosophique, la notion de faits partagés est au coeur de l’analyse de la post-vérité de Myriam Revault d'Allonnes. En suivant la pensée éclairante de cette philosophe française dans son livre La faiblesse du vrai publié en 2018, la désinformation et la post-vérité, tel un sombre voile jeté sur l'existence et le monde social et politique, menacent l'essence même de notre "monde commun". Elles brouillent délibérément la frontière délicate entre le vrai et le faux, nous privant de la capacité inaliénable de partager une réalité commune. Notre aptitude à forger un consensus à partir d'observations élémentaires, socle de notre pensée et de notre action collectives, s'en trouve irrémédiablement altérée.Elle corrompt l'imaginaire social, flétrissant la pureté de nos jugements et les expériences sensibles qui nous lient, rendant ardue, voire impossible, l'édification de significations partagées.
Quand la réalité concrète s'efface devant des fabulations insidieuses, des récits alternatifs irréconciliables, et des illusions collectivement entretenues, la capacité d'une société à discerner ses maux, à débattre de remèdes et à orchestrer une action collective concertée se trouve gravement compromise, tel un vaisseau sans gouvernail. Myriam Revault d'Allonnes, en scrutant la "vérité du politique", révèle la tension inhérente que l’on retrouve au cœur de l'espace public démocratique. La politique, selon elle, ne s'inscrit pas principalement dans le registre des vérités rationnelles et immuables, comme les mathématiques ou les sciences exactes, mais plutôt dans le domaine fluctuant du vraisemblable, de l'opinion (la doxa) et de la délibération sur des questions contingentes.La délibération démocratique vise à établir collectivement des propositions "décidables" qui guident l'action commune. Le péril surgit lorsque les vérités factuelles, qui devraient servir de fondement à l'émergence et à la confrontation d'opinions éclairées, sont elles-mêmes dégradées au rang de simples opinions parmi d'autres, interchangeables et relatives. Cela engendre un règne d'équivalence où la distinction entre un fait avéré et une croyance personnelle s'estompe dangereusement. La désinformation véhiculée notamment sur les réseaux sociaux exploite cette ouverture inhérente au discours politique démocratique, rendant la délibération particulièrement susceptible à la confusion et à la manipulation.
Au coeur de l’analyse, un paradoxe se fait jour : la liberté de choix accrue offerte par Internet pour personnaliser notre environnement informationnel peut nuire et nuit effectivement à la santé collective de la démocratie. Nous sommes alors à risque de perdre les communs informationnels, ces expériences et informations partagées, souvent non choisies, mais qui sont pourtant cruciales pour la compréhension mutuelle et la délibération dans une société pluraliste, diversifiée et fondée sur la gouvernance démocratique. La menace principale que Sunstein et Revault d'Allonnes identifient est l’érosion de ce socle commun, rendant plus ardu le dialogue constructif et la formation d’une volonté collective informée/éclairée essentielle à la vitalité du débat démocratique et à la recherche de la vérité.
Note
[1] Nous allons nous concentrer ici sur les possibilités de réformes dans les contextes québécois et canadien étant donné la grande diversité des systèmes politiques dans le monde et le fait que les réformes envisageables dépendent des types de régimes en place et de la culture politique de chaque pays.